Afrique-África


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Afrique

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J’ai vécu dix ans en Afrique. Dans mes vêtements, dans mon allure, dans ma voix, dans ma gestuelle, il était évident que je venais d’ailleurs, qu’une autre société m’avait formée, m’avait donnée des modèles, avait fait de moi ce que j’étais. Au début, mon fils revenait ensanglanté tous les jours parce que les garçons le battaient en disant : « ta mère est une toubabesse noire ». Au fur et à mesure, j’ai compris ce que cela voulait dire. Oui, j’étais différente. Je n’étais ni malinké, ni foula, ni toucouleurs, ni soussou. J’étais autre chose. Qu’est-ce que j’étais ? Ma couleur n’était pas un signe de ralliement d’identité. Je crois que ce fut bénéfique. Je crois que j’ai appris à me valoriser et à accepter ma différence. J’étais autre chose. Il m’a fallu 12 ans pour arriver à comprendre quoi. Jusqu’à maintenant, je ne suis pas sûre de savoir quoi. Je suis différente, autre chose.

J’avais été très gâtée par mes parents. Ils se dénommaient « Les grands nègres ». Pour eux, leur milieu est un milieu de réussite sociale. Je ne connaissais pas le dénuement, la misère, la soif. C’est à Conakry que j’ai découvert tout ça. Je me rappelle, j’avais des voisines que j’aimais beaucoup qui prenaient un repas par jour, qui marchaient à pied, qui me donnaient de la vie une image que je ne connaissais pas du tout. Je crois, que l’Afrique m’a été révélée dans sa pauvreté, son sous-développement à cause de ce séjour en Guinée. Après, je suis allée vivre au Ghana. Le Ghana était riche. Il y avait Kwame Nkrumah (Président du Ghana, tiers-mondiste) je vivais à Winneba. J’enseignais à Winneba. Kwame Nkrumah était un maître mais Sékou Touré n’était pas un maître, il n’avait aucune sympathie pour son peuple. J’ai appris au fur et à mesure. Je me suis formée mais ça a été lent et très douloureux.

L’Afrique pour moi c’est la terre où je devais me découvrir, me retrouver. J’avais, avec l’esclavage, perdu mes aieux, ma langue, ma terre. Je devais retrouver tout ça. Et en fait, je n’ai rien retrouvé. J’ai découvert que je venais d’ailleurs, d’une petite île assez pauvre, assez méprisée, qui était la Guadeloupe. En fait l’Afrique m’a fait découvrir, aimer et valoriser la Guadeloupe.

Aujourd’hui, l’Afrique est un terrain de recherche, une découverte, mais il n’y avait rien d’affectueux, d’affectif là-dedans. C’était une recherche. Par exemple, je lisais tous les livres africains. J’avais une grande passion pour certains auteurs mais pour moi, c’étaient quand même des étrangers.

Je suis une guadeloupéenne qui a voyagé, qui a vu, qui a écouté, qui a appris. Mais guadeloupéenne. Je le suis redevenue ou je n’ai jamais cessé de l’être, je crois. Mes parents admiraient la France. Ils étaient deux Français. Ils avaient fait le pari comme Blaise Pascal, que la France leur permettrait de devenir des hommes à part entière. C’est un choix. Après, je me suis rendue compte que c’était un choix limité. J’admire par exemple Édouard Glissant qui disait « j’écris en présence de toutes les langues du monde». Un être humain est un carrefour, un lieu d’échange, un lieu de rencontre. Même si on ne le sait pas au départ, on le découvre très vite si on écoute bien, si on fait attention qu’on est fait d’une multitude de choses diverses. Pour moi, il n’y a pas d’identités qui ne soient pas multiples. Il n’y a pas d’être humain qui ne soit pas à la fois tout ce que le monde offre. Et tant qu’on n’aura pas compris ça, le monde sera violent, les gens seront violents. On est frères parce qu’on partage, on échange des connaissances et des valeurs. Il n’y a pas d’identité pure. Il n’y a que des identités plurielles.

Maryse Condé

 

 

África

Imagen de Photoshop, Africano y Diseño. De uso gratuito. Licencia de Pixabay
Viví diez años en África. En mi ropa, en mi mirada, en mi voz, en mis gestos, se notaba que venía de otra parte, que otra sociedad me había formado, me había dado modelos, me había hecho lo que era. Al principio, mi hijo volvía todos los días ensangrentado porque los muchachos lo golpeaban diciendo: “tu madre es una toubabess negra”. Poco a poco, entendí lo que eso significaba. Sí, yo era diferente. No era ni malinké, ni foula, ni toucouleurs, ni soussou, era otra cosa. ¿Qué era yo? Mi color no era un signo de identidad unificador. Creo que fue beneficioso. Creo que aprendí a valorarme y a aceptar mi diferencia, yo era otra cosa. Me tomó 12 años descubrir qué. Hasta ahora, no estoy segura de saber qué. Soy diferente, otra cosa.

Mis padres me habían mimado mucho. Se llamaban a sí mismos “Los grandes negros”. Para ellos, su entorno es de éxito social. No conocí la indigencia, la miseria, la sed. Fue en Conakry donde descubrí todo esto. Recuerdo que, tenía vecinos a los que apreciaba mucho que tomaban una comida al día, que caminaban a pie, que me daban una imagen de la vida que desconocía totalmente. Creo que África se me reveló en su pobreza, en su subdesarrollo en esta etapa en Guinea. Después, fue a vivir a Ghana. Ghana era rica. Estaba KWame Nkrumah . Yo vivía y enseñaba en Winneba. Kwame Nkrumah (Presidente de Ghana, tercermundista) era un maestro pero no Sékou Touré, no sentía simpatía por su gente. Aprendí paso a paso. Me fui formando, pero fue lento y muy doloroso.

África para mí es la tierra donde tuve que descubrirme, encontrarme. Con la esclavitud había perdido a mis ancestros, mi idioma, mi tierra. Tenía que encontrarlo todo. Y de hecho, no encontré nada. Descubrí que venía de otra parte, de una isla pequeña, más bien pobre, más bien despreciada, que era Guadalupe. África me hizo descubrir, amar y valorar Guadalupe.

Hoy, África es un campo de investigación, un descubrimiento, pero no tiene nada de afectivo, de emotivo. Fue una búsqueda. Por ejemplo, léo todos los libros africanos. Tenía una gran pasión por ciertos autores, pero todavía son extraños para mí.

Soy una guadalupeña que ha viajado, que ha visto, que ha escuchado, que ha aprendido. Pero guadalupeña. Volví a serlo o nunca dejé de serlo, creo. Mis padres admiraban Francia. Eran franceses. Habían confiado como Blaise Pascal, en que Francia les permitiría convertirse en hombres por derecho propio. Es una elección. Me di cuenta, después, de que era una elección limitada. Por ejemplo, admiro a Édouard Glissant que dijo: “escribo en presencia de todas las lenguas del mundo”.El ser humano es una encrucijada, un lugar de intercambio, un lugar de encuentro. Aunque no lo sepamos en un principio, rápidamente lo descubrimos si escuchamos bien, si prestamos atención a que estamos hechos de multitud de cosas diferentes. Para mí, no hay identidades que no sean múltiples. No hay ser humano que no sea al mismo tiempo todo lo que el mundo ofrece. Y hasta que entendamos eso, el mundo será violento, la gente será violenta. Somos hermanos porque compartimos, intercambiamos conocimientos y valores. No hay identidad pura. Sólo hay identidades plurales.

Maryse Condé